Depuis le début des années 80 le grand public pouvait savoir que notre système de retraite allait rencontrer de graves difficultés avant la fin du siècle dernier. Ce n’était pas une question de voyance extra-lucide mais de simple arithmétique. Les « baby boomers » de l’immédiate après-guerre et leurs parents se retrouveraient en masse à la retraite au début du XXIème siècle alors que la relève, les nouveaux actifs, ne seraient plus aussi nombreux et ne pourraient plus contribuer au paiement des pensions sans de profondes restructurations du système en place.
Tous nos politiciens, toutes tendances confondues, ont oublié que « gouverner c’est prévoir» et ont continué à distribuer de nouveaux privilèges aux « régimes spéciaux », soi-disant pour maintenir la paix sociale ainsi qu’à de nouvelles classes de bénéficiaires qui n’ont jamais, ou presque pas, cotisé et ont ainsi passé la patate chaude à leurs successeurs, qui se sont empressés d’en faire autant. Après moi, le déluge !
Depuis vingt ans, Balladur, Juppé, Fillon et Sarkozy ont bien essayé d’entreprendre les réformes nécessaires mais n’ont jamais eu le courage d’aller jusqu’au bout. Ils n’ont réussi qu’à maintenir le statu quo.
Aujourd’hui, avec des finances publiques en faillite, le nouveau pouvoir socialiste prend en mains, avec le courage et la détermination inébranlables qu’on lui connaît, le dossier. Le Premier Ministre, J.M. Ayrault, a annoncé hier les résultats de cette audacieuse réforme.
1) Il n’y aura pas de hausse de la CSG pour financer les retraites. Voilà au moins une bonne nouvelle ! Oui mais on aura droit à une augmentation des cotisations salariales et patronales. Ça c’est une mauvaise nouvelle. Pour le pouvoir d’achat des salariés, qui n’arrête pas d’être mitraillé par les nouveaux impôts, et les prélèvements et contributions en tous genres ; et pour la compétitivité de nos entreprises qui subissent, elles aussi, le même traitement.
2) La durée des cotisations passera de 41,5 ans à 43 ans … en 2035, s’il reste encore un système de retraite digne de ce nom à cette date ! Un an et demi de plus en 22 ans ! Ça c’est du courage ! Alors que l’Allemagne de Schroeder avait ajouté cinq ans d’un seul coup !
3) Un « compte pénibilité du travail » sera lancé en 2015 (tiens, deux ans avant les prochaines élections présidentielles ! Un hasard, sans doute). Autant dire, une autre usine à gaz qui permettra de « maintenir la paix sociale » quand les syndicats deviennent trop turbulents. Il sera, bien entendu, au moins au début financé par les entreprises. Ce qui va encore améliorer la compétitivité de ces dernières.
4) Pour faire passer la pilule auprès des entrepreneurs qui peuvent, eux aussi, devenir turbulents, Ayrault annonce un allègement du coût du travail. Comment ? On n’en sait rien, mais elle va concerner « la branche familiale » qui verra les cotisations salariales augmenter et les prestations diminuer. Bravo l’artiste ! Bel exercice de prestidigitation ! On donne d’une main ce qu’on enlève de l’autre. Et encore merci pour le pouvoir d’achat des ménages. Il y a quand même une bien modeste carotte : le gouvernement va rétablir l’indexation de barème de l’impôt sur le revenu. Le gouvernement est bien trop bon, il nous redonne ce que son prédécesseur nous avait enlevé … en l’ayant gardé au moins deux ans en place ! Cela permettra une « quasi » stabilisation des prélèvements dès 2014. Notez bien le « quasi » de précaution, parce que les promesses non tenues de Hollande et Ayrault nous ont appris à être prudents en la matière.
Que peut on tirer de ces annonces ? Que cette « réforme » n’est même pas une réformette, juste de la poudre aux yeux. Qu’elle ne s’attaque pas aux causes profondes de notre système de retraite. Que c’est en fait une autre manière de ponctionner un peu plus les contribuables et les entreprises. Que le pouvoir d’achat des Français et la compétitivité de nos entreprises vont être les grands perdants de cette magouille. Et, surtout, qu’il faudra encore tout recommencer dans quelques années. Certainement avant 2035.